Article | 11 Avr, 2022

Les Populations Autochtones entre l’industrialisation de la Filière bois et la Sauvegarde des Connaissances Traditionnelles Forestières au Gabon

Les nouvelles CEESP: Emmanuel Mvé Mebia, membre du IUCN CEESP.

Basé sur les recommandations du 2ème Forum International des Peuples Autochtones d'Afrique Centrale (Impfondo, 15-18 mars 2011), cet article reflète le plan d'action visant à coordonner les efforts pour protéger les droits des Peuples Autochtones. C'est dans ce cadre que les Baka du Nord Gabon occupent une place importante dans le processus d'exploitation forestière prévu au Nord Gabon.

 

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Photo: Emmanuel Mvé Mebia

Une Initiative en Faveur des Peuples Autochtones

Le projet CPFBH (Cogestion du Patrimoine Forestier avec les Baka du Haut-Ntem) a été officiellement soumis le 18 mars 2022. Il s’inscrit dans le cadre d’un vaste programme ambitieux, intitulé PISCCA (Projets Innovants des Sociétés Civiles et Coalitions d’Acteurs), initié par le Service de Coopération et d’Action Culturelle (SCAC) de l’Ambassade de France (2022). 

Il s'articule autour de trois Axes prioritaires et trois Objectifs Spécifiques. Des Axes prioritaires, il convient de noter entre autres: 

  • la reconnaissance des savoir- faire théorique et pratiques traditionnels des populations Baka (1), 

  • Reconnaissance du patrimoine nutritionnel appliqué à la flore (2), 

  • respect de l'environnement social et physique des Baka dans le Bassin du Congo (3). 

Quant aux objectifs spécifiques, il convient de noter: 

  1. la réduction de l'extrême pauvreté chez les peuples autochtones du Haut-Ntem (1), 

  2. l’ implication des femmes Baka dans le processus de gestion des produits forestiers non-ligneux (PFNL) (2), 

  3. l’ assurance à la pleine éducation des enfants Baka de Minvoul (3), dans une région, récemment convoitée par une nouvelle catégorie de gestionnaires forestiers. 

Localisé dans la périphérie nord-ouest du Parc National de Minkébé, le projet CPFBH, issu d’une série de consultations communautaires, veut contribuer au développement endogène des populations autochtones Baka, en les accompagnant sur le long terme, en promouvant le mécanisme de gouvernance et l’effectivité pour la mise en place des chaînes de valeurs à partit des ressources forestières.

Contexte Local du Projet CPFBH

L’extrême nord du Gabon n’a pas échappé à l’exploitation forestière. Mais ici, la particularité est que celle-ci pourrait se développer à l’échelle d’une « Forêt Cathédrale », vidée progressivement de ses habitants depuis les années 1920, pour être relocalisés (KNIGHT, Judy, 2005). Sur le terrain, il n’y a aucun doute quant au lancement des travaux. Ce fut à l’occasion du lancement d’un projet culturel (dédié à l’ouverture de la première école pygmée) que nous apercevions cette pancarte ) plantée au bout du village Doumassi habité par les Baka (peuple autochtone (voir photo jointe jointe du 4 février 2022. Source : Mvé Mebia, E). 

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A noter que l’exploitation de certaines concessions forestières esuscite plusieurs réactions, au regard des méthodes déployées, et surtout en raison de la requête des cahiers de charges contractuels, dans la plupart des cas, non-existants. Dans la grande forêt qui s’étend du département du Woleu (Oyem) au département du Haut-Ntem (Minvoul), on note la présence de grandes compagnies forestières (TTIB, CDG), gestionnaires privilégiés intervenant dans ce secteur. En projetant leur activité dans la partie nord du parc national de Minkebe (Gabon), la Compagnie Dan Gabon (CDG) opte pour un aménagement durable de l’UFA (Unité Forestière d’Aménagement) de 180 633 hectares. Il est cependant difficile de savoir, si avec la reprise des activités interrompues en 2020, un protocole d’accord avait été établi, en impliquant les peuples autochtones Baka. 

Sur la base des hypothèses émises, aucun consensus (sensu lato) ne semble avoir été formellement établi en lien avec  le style de vie avec les communautés en présence, résolument tourné en forêt.   Seulement, l’inquiétude demeure  sur le principe de zonage, relatif à l’appréhension des différents espaces, aussi bien d’usages industriels qui s’imposent que coutumiers et l’accès permanent aux ressources naturelles, à moyen ou long terme. A ce point crucial, une attention particulière est portée sur le maintien des connaissances traditionnelles appliquées à la flore. Autrement dit, les besoins des populations autochtones et locales, en termes de plantes nutritionnelles, médicinales et la préservation des espaces vitaux semblent ignorés par les gestionnaires forestiers. Cette réflexion (en gestation au sein de l’Association Culture Nature Edzengui) a abouti à l’élaboration d’un projet phare

Celui-ci met en évidence cinq objectifs de développement durable à atteindre : 

ODD 1, ODD 2, ODD 10, ODD 12, ODD 16

Divergence d’intérêts entre Gestionnaires Forestiers et Populations Autochtones

Outre la Convention  Provisoire d'Aménagement - Exploitation-Transformation (CPAET) d’une superficie de 140 000 hectares, concédée à TTIB en octobre 2004, celle-ci s'est engagée dans  un processus d'aménagement durable, d'abord en partenariat avec la Société Forestal-Gabon, puis depuis septembre 2008, avec la Société TERRA. Depuis 2020, sur la base de la nouvelle configuration forestière dans la zone nord du parc nationale de Minkébé, l'on s'aperçoit de l'existence de six concessions forestières, dont cinq concessions forestières sous aménagement durable (CFAD) et une Convention Provisoire d'Aménagement-Exploitation-Transformation, pour une superficie de 2333 kilomètres carré.    L’ association Edzengui, porteuse du projet GPRF, sollicite le soutien de ses partenaires, en vue de la mise en eouvre de celui-ci, programmable par le SCAC (Service de Coopération et d’Action Culturelle). 

Participation des Peuples Autochtones

La Cogestion du patrimoine forestier avec les Baka du Haut-Ntem (CPFBH), est un nouveau concept, qui vient s’ajouter un autre : « Accès à l’éducation des enfants Baka de Minvoul » (en cours de réalisation). 

Il exige l’accompagnement à long terme des populations autochtones et communautés locales. Elle s'emploie à intégrer dans sa stratégie les autorités forestières et celles du Conseil Départemental du Haut-Ntem, à travers le Comité Consultatif de Gestion Locale (CCGL). Alors qu’une usine de transformation du bois a été inaugurée dans le Haut-Ntem, le 3 mai 2020 et que le signal de l’exploitation forestière a été donné, les populations autochtones sont à la recherche d’une école pour les enfants Baka à Minvoul.